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sylviegueroult

Mémoires transgénérationnelles




Tout d’abord, je souhaite revenir sur cette période « Hors Normes » : le confinement. Il m’a permis de prendre conscience de la préciosité et de la fragilité de la vie. L’occasion de composer avec ce temps précieux, pour nous recentrer sur l’essentiel de l’existence.

J’habite à la campagne ce qui a rendu ce moment bien plus agréable.

        C’est la première fois de ma vie que je n’ai pas travaillé depuis aussi longtemps. Je ne prends que très rarement de congés. Finis les sandwichs dans la voiture, avalés en 15 minutes pour poursuivre ma journée au plus vite ! Vite, vite, vite, mais là, le temps s’est comme arrêté. Je vous avoue que dans mon cas, cela m’a fait beaucoup de bien… J’ai même rangé mon fidèle fer à repasser. Outil précieux qui me sert pour mon travail, certains de mes employeurs me fournissent du repassage à faire à mon domicile…

       Pour autant, après cette période inédite, ce fut un réel bonheur de reprendre en main notre destinée et de revoir nos proches. Ma nièce, Castille, est réapparue également, elle est de nature à ne pas s’installer très longtemps au même endroit, de ce fait, je suis toujours ravie d’avoir de ses nouvelles. Rendez-vous pris, je la vois apparaître dans ma cour, nous avons décidé de passer un après-midi ensemble. Ce moment de partage est toujours agréable. Finalement, après quelques minutes passées à papoter, elle me confie qu’elle m’a écrit une lettre durant le confinement, mais sans avoir eu le courage de la poster, elle préfère me la remettre en mains propres.

 

En voici un extrait :

 

« Tata Sylvie,

Si je t’écris cette lettre, c’est pour te faire une demande particulière. En ce moment, je ressens le besoin de connaître l’histoire de notre famille. Il y a de nombreuses zones floues. J’ai toujours peur que ce soit douloureux, mais il y a un vide que j’aimerais combler. J’espère que ma démarche n’est pas trop brutale pour toi. Donne-toi le temps qu’il te faut pour me répondre ».


La demande de Castille me paraît légitime, je compte bien lui transmettre toutes mes connaissances à ce sujet, lors d’une prochaine rencontre…

 

Quelques semaines plus tard …

 

Le jour venu, nous abordons le sujet qui lui tient à cœur.

Je lui dis qu’une tante (une sœur de mon père) est encore de ce monde, elle n’habite pas très loin, je lui propose de la joindre maintenant et lui expliquer notre démarche. Je ne l’ai pas revue depuis une vingtaine d’années, je ne sais comment elle va réagir …

Nous essayons d’élaborer un scénario d’approche pour présenter au mieux notre démarche puis nous nous lançons ! Castille passe l’appel le téléphone sonne … soudain une voix !

Le haut-parleur étant en fonction, j’entends la conversation. Nous sommes emplies d’émotions, reprendre contact après tant d’années, n’est pas un acte aisé. C’est Castille qui parle en premier. Le dialogue est relativement fluide, nous lui faisons part de notre désir de la rencontrer, elle l’entend avec joie. Nous convenons d’une entrevue un mois plus tard, le temps pour chacun de prendre un moment de réflexion…

 

Le jour J arrive… Je retrouve Castille pour cette journée très particulière, le rendez-vous est prévu en début d’après-midi.


Je ressens un certain malaise, revoir ma tante me fait bien sûr plaisir, mais les « histoires de famille » risquent de ressurgir. Je n’ai aucune envie que ce moment soit empli de rancœur, de reproches, c’est malheureusement souvent le cas. Pour ma part, je n’ai pas besoin de régler les comptes, la rancune est encombrante et ne sert à rien !

 

Nous arrivons devant la porte d’entrée. Castille sonne, la porte s’ouvre, je vois apparaître ma tante un peu vieillie. Nous nous prenons dans les bras. Les larmes coulent toutes seules, les retrouvailles sont chargées de joie, de peine, d’incompréhension.

Nous prenons place sur le canapé, elle nous offre un café, cela nous permet de nous reprendre un peu. Ma tante nous fait part du fait qu’elle est sincèrement très heureuse de nous voir, le temps passe pour tous, elle nous parle de ses enfants, mes cousins, de ses petits-enfants.

 

Castille a le courage d'entamer la conversation. On entre enfin dans le vif du sujet. Ma tante commence le récit de toute la famille, l’histoire n’est pas parfaite, l’entendre n’est pas facile. Elle commence à me faire des reproches sur le comportement de mes parents, je ne sais que lui répondre, je ne me sens tout simplement pas responsable du pourquoi de leurs actes. C’est leur histoire, pas la mienne. Il me semble que la jalousie a mise à mal les relations de la fratrie au moment où mes parents ont reçu un héritage d’un vieil oncle paternel. L’argent est une source universelle de discorde !


       Je suis consciente que mes parents n’ont pas été toujours à la hauteur, une fois adulte, le jugement tombe. Irrémédiablement.

 

       Cette petite remarque passée, elle nous annonce qu’elle se doit de nous révéler un secret de famille. Ma grand-mère durant sa jeunesse a été « bonne à tout faire » dans une famille bourgeoise, des châtelains. Apparemment, pour son employeur, la qualification de « bonne à tout faire » a pris un sens tout particulier puisqu’il l’a violée. À la suite de cet acte, ma grand-mère est tombée enceinte. Bien sûr, comme elle est devenue plus que gênante, elle a été congédiée. C’est alors que mon père est né, dans un foyer pour mère enfant.

 

Le viol de ma grand-mère n’est pas un cas isolé, les employeurs profitaient de l’ignorance des jeunes filles, seulement il ne fallait pas en parler. Aujourd’hui, la parole se délie, les actrices osent enfin parler haut et fort. Parfois, elles sont soutenues, parfois récriminées. En 2006, le mouvement social « Me too » est créé.

 

Je ne pardonne pas à cet homme, mais je ne veux pas vivre dans la souffrance en me posant la question du pourquoi.

Avec sagesse, je choisis d’éviter une posture de rancune, au risque de m’abimer et de me maltraiter. Ce serait alors une double peine qui n’effacerait en rien l’acte en lui-même. Je sais que pour mon père s’intégrer à la fratrie a été difficile. Cet acte a eu sans doute, inconsciemment, des conséquences dans la construction de sa vie. Je suis persuadée que dans la mienne aussi ! Je ne suis pas en colère pour ce qu’a subi ma grand-mère.

Pour autant, je suis devenue femme de ménage, est-ce par hasard ? J’ai été traversé par le profond désir de concevoir ce blog, est-ce un hasard ? Il y a quelques jours quelqu’un m’a dit : « Le hasard n’existe pas, j’en ai fait l’expérience maintes fois dans ma vie ».

 

       Et vous, qu’en pensez-vous ?

 

A cette occasion, je me permets de vous suggérer d'aller jeter un œil du côté de la série Netflix: "Le chemin des oliviers". C’est une belle histoire d’amitié, d’amour, mais aussi un voyage spirituel. La série traite des liens transgénérationnels qui nous relient aux membres de notre famille, que nous le voulions ou non. Elle parle surtout de la nécessaire prise de conscience qui va aider à se défaire des schémas répétitifs de nos vies. Une série très émouvante et rythmée, qui fait la part belle à l’introspection et à la résilience.


Je vous souhaite de prendre soin de vous et de vos proches !

 

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